
Francis Gendron n’avait aucune formation en business. Aucun capital de départ. Aucun diplôme en construction.
Il était guide d’expédition dans le Grand Nord canadien, passant 30 jours d’affilée en pleine nature avec des groupes de jeunes.
Aujourd’hui, Solutions ERA, l’entreprise qu’il a cofondée, est devenue une référence incontournable au Québec pour quiconque veut construire écologique. Des milliers de personnes formées, des contenus vus par près d’un million de Québécois, et des projets emblématiques comme les Oasis qui incarnent concrètement la vision d’un habitat régénérateur.
Ce parcours démontre quelque chose de fondamental : on n’a pas besoin d’être expert pour créer un impact massif. On a besoin d’une mission claire, de la capacité à apprendre en marchant, et du courage de s’entourer des bonnes personnes.
L’interview complète avec Francis révèle comment il a transformé une simple envie de partager en entreprise viable, les décisions clés qui ont accéléré sa croissance, et, soyons honnêtes, les erreurs coûteuses qui l’ont presque coulé trois fois.
Mais commençons par ce qui rend ce parcours inspirant : la preuve qu’on peut démarrer de zéro et construire quelque chose qui compte vraiment.
Solutions ERA : quand la mission précède le business model
Solutions ERA n’est pas née d’un business plan. Elle est née d’une frustration.
En 2012, Francis découvre les Earthships, ces habitations autonomes en matériaux recyclés conçues par l’architecte Michael Reynolds au Nouveau-Mexique. Il suit la formation, fasciné par ces bâtiments qui n’ont besoin ni de chauffage, ni de facture d’électricité excessive, et qui interagissent avec les phénomènes naturels pour créer eau, nourriture et chaleur.
Le problème ? Toute cette information existe uniquement en anglais. Rien en français. Aucune ressource pour les Québécois qui voudraient construire différemment.
Francis achète une caméra et commence à filmer des vidéos simples le soir après ses journées de formation. Il explique en français ce qu’il apprend. Sans prétention d’expertise, juste : « Voilà ce que j’ai découvert aujourd’hui, ça me semble utile. »
Ces vidéos trouvent leur public. Les questions affluent. Les gens veulent en savoir plus.
Rapidement, Francis comprend que s’il veut vraiment avoir un impact, que des maisons écologiques se construisent réellement au Québec, il va devoir structurer quelque chose de plus solide qu’une chaîne YouTube.
C’est là que Solutions ERA prend forme. Pas comme un projet entrepreneurial calculé, mais comme la réponse logique à un besoin criant.
Aujourd’hui, Solutions ERA propose :
- Le Certificat en Design de Bâtiment Écologique (6 week-ends de formation avec 20 experts)
- Des formations en ligne accessibles partout dans la francophonie
- Des projets concrets comme les Oasis : habitats collectifs écologiques et autonomes
- Une communauté de milliers de personnes qui construisent autrement
Mais ce qui rend Solutions ERA unique, c’est qu’elle n’a jamais trahi sa mission initiale : rendre accessible l’information sur l’habitat sain et régénérateur.
Le pouvoir de l’ignorance assumée
Voici le paradoxe : Francis a réussi précisément parce qu’il n’était pas expert.
Quand il lance ses premières conférences à travers le Québec (il en fera 100, dormant dans son van entre chaque ville), il ne prétend jamais tout savoir.
Quelqu’un pose une question technique ? « Je ne connais pas la réponse, mais donnez-moi votre contact, je vais chercher et vous revenir. »
Cette humilité crée une confiance que l’expertise autoritaire ne génère pas. Les gens sentent qu’il est sincère, qu’il apprend avec eux.
Et cette approche lui permet quelque chose de crucial : apprendre en public.
Après 50 conférences où il note systématiquement les questions posées, il connaît les réponses aux interrogations les plus fréquentes. Il est devenu compétent non pas en accumulant des diplômes, mais en écoutant et en cherchant.
Mais Francis va plus loin. Quand les gens lui demandent s’il donne des formations (15, 20 fois la même question), il comprend qu’il doit créer quelque chose de plus structuré.
Le problème ? Il ne se sent pas légitime pour enseigner seul.
Sa solution ? Devenir chef d’orchestre plutôt qu’expert.
Il réunit 20 spécialistes du bâtiment écologique au Québec. Chacun enseigne son domaine d’expertise pendant le Certificat de 6 week-ends. Francis, lui, se contente de l’introduction et de la facilitation.
Pendant 5 ans, c’est son modèle. Il n’a pas besoin d’être le meilleur technicien. Il crée l’espace pour que les meilleurs partagent leur savoir.
C’est ça, l’entrepreneuriat intelligent : savoir ce qu’on ne sait pas, et rassembler ceux qui savent.
Aujourd’hui, combien de personnes renoncent à leur projet parce qu’elles pensent ne pas avoir assez d’expertise ? Combien attendent d’être « prêtes » alors que leur audience a besoin d’elles maintenant ?
L’histoire de Francis prouve qu’on peut commencer modestement, apprendre en marchant, et s’entourer pour combler ses lacunes.
La leçon la plus contre-intuitive : pourquoi le profit sert la mission
Francis a failli tout perdre. Trois fois.
Non pas par manque de clients ou de vision, mais à cause d’une croyance limitante : un entrepreneur à mission ne devrait jamais faire de profit.
Dans sa tête, chaque euro gagné devait être réinvesti. Agrandir l’équipe, créer de nouvelles formations, construire les Oasis. Zéro marge. Zéro réserve.
Jusqu’au jour où un lancement rapporte moitié moins que prévu. Les charges fixes continuent. Les dettes s’accumulent. 20 000, 30 000 dollars par mois.
Francis refuse de licencier (un vrai leader ne lâche jamais son équipe, pense-t-il). Mais une entreprise sans marge meurt au premier coup dur.
La COVID arrive. Un lancement prévu à 400 000$ rapporte 75 000$. Il doit mettre toute l’équipe à pied du jour au lendemain.
Pire : pendant la construction des Oasis, les banques refusent de prêter à cause de la pandémie. Francis a une semaine pour trouver 3 millions de dollars. Il les trouve en appelant tout son réseau, mais l’expérience le marque.
Aujourd’hui, sa conviction a radicalement changé : le profit n’est pas l’ennemi de la mission, c’est son assurance-vie.
Une entreprise saine doit viser 20% de marge. Cette réserve permet d’absorber les chocs externes (COVID, inflation, changements réglementaires) et de continuer à servir la cause.
Ce n’est pas du capitalisme sauvage. C’est de la pérennité au service de l’impact.
Cette nuance change tout pour un entrepreneur débutant. Vous pouvez être aligné ET viable. Vous pouvez servir une mission ET structurer une entreprise solide.
Les deux ne s’opposent pas. Ils se renforcent.
Ce que révèle vraiment cette histoire
Francis Gendron a transformé une passion pour l’habitat écologique en entreprise florissante sans formation business, sans capital, sans expertise technique préalable.
Il l’a fait en écoutant les besoins de son audience, en s’entourant intelligemment, en apprenant publiquement.
Mais il a aussi frôlé la faillite trois fois parce qu’il ne maîtrisait pas certains fondamentaux : la gestion de trésorerie, l’importance des marges, le dimensionnement de l’équipe selon les revenus réels.
L’entrepreneuriat à impact n’est pas un long fleuve tranquille. Il y a des erreurs, des doutes, des nuits blanches. Mais ces épreuves construisent quelque chose que rien d’autre ne peut enseigner : la résilience.
Francis ne regrette rien. Ces moments difficiles l’ont rendu plus fort, plus lucide, plus capable de tenir sa mission dans la durée.
Et c’est exactement ce dont la planète a besoin : des entrepreneurs qui durent. Qui ne s’épuisent pas dans les premières années. Qui construisent des structures pérennes au service du vivant.
L’interview complète (1h30) détaille comment Francis a structuré ses financements, géré la croissance de son équipe, traversé les quasi-faillites, et trouvé l’équilibre entre mission et rentabilité. Regarder l’interview complète :
Parce que si vous voulez créer un impact réel et durable, vous avez besoin de voir comment quelqu’un l’a fait avant vous, avec ses réussites ET ses erreurs.
La vraie question n’est pas « Suis-je assez expert ? »
C’est « Ma mission est-elle assez forte pour me porter à travers les inévitables obstacles ? »
Si la réponse est oui, vous avez déjà ce qu’il faut pour commencer.
