Johann, paysagiste-concepteur de métier, a rejoint le collectif de la Ferme des Clos en 2016 avec le projet d’implanter une houblonnière bio en Île-de-France.
Cette filière, à l’abandon dans la région et très peu présente sur le territoire français, constitue aujourd’hui un défi territorial, environnemental et social pour cet écopreneur. Découvrez son projet et son inspiration, au cœur d’une coopérative pas comme les autres.
Culture du houblon bio en France : un projet ambitieux
Une filière à l’abandon depuis 90 ans
Saviez-vous que dans les années 1930, cultiver du houblon était courant en France ? La filière houblonnière, à son apogée au début du 20e siècle, représentait 4000 ha de cultures.
Aujourd’hui, seuls 500 ha sont consacrés à cette plante utilisée en brasserie.
Deux territoires se partagent la quasi-totalité des cultures du houblon en France : l’Alsace en grande majorité, et le Nord. Mais avec la croissance exponentielle du nombre de micro-brasseries en France (de 500 en 2012 à 1500 en 2018, à plus de 2300 en 2021), la demande de houblon, notamment bio, explose.
Se réapproprier la culture de la bière en IDF
C’est pour cette raison que Johann, paysagiste-concepteur, a développé une houblonnière à la Ferme des Clos. L’exploitation agricole, située dans la vallée de Chevreuse (dans les Yvelines), est née de l’association de travailleurs de la terre, passionnés par leurs spécialités respectives.
Conscients des enjeux environnementaux pour l’agriculture de demain, les associés à l’origine de ce projet d’agriculture collective occupent aujourd’hui 93 hectares de cultures biologiques, comprenant entre autres l’apiculture, l’agroforesterie, le maraîchage ou l’élevage de volaille. C’est donc naturellement que les 2 hectares de la houblonnière cultivée par Johann y ont trouvé leur place. Le projet de Johann ? Aromatiser les bières artisanales d’Île-de-France, et réimplanter le houblon dans la région, après 90 ans d’abandon. La houblonnière francilienne, la HOUF, est née.
La crise de la culture du houblon en France
Le challenge est d’autant plus important que la filière du houblon est en crise depuis 2012. Premier effet : les faibles surfaces de culture par rapport à nos voisins européens. Pour comparaison, l’Allemagne exploite 19 000 hectares de surface pour la culture du houblon, contre 500 en France. Deuxième effet : les deux plus grandes coopératives de France misent sur les marchés internationaux.
En conséquence, le peu de houblon disponible sur le territoire est exporté à 78 %. Et ces centaines de microbrasseries qui fleurissent chaque année se voient obligées de s’approvisionner à l’étranger (en Allemagne, en Angleterre, et même aux Etats-Unis et en Nouvelle-Zélande). Pourtant, la demande, surtout en houblon bio, est bien là !
Remettre le goût au centre du produit
Autre effet de l’industrialisation du houblon et de la domination des distributeurs de bière industriels : un goût qui se perd. L’émergence de ces micro-brasseries nous permet aujourd’hui de redécouvrir le goût, et même les différents goûts, de la bière artisanale. Même si la consommation artisanale est encore dérisoire face aux marques populaires, les choses évoluent dans le bon sens.
Johann cultive ainsi 7 variétés de houblons certifiées bio sur son exploitation, et approvisionne les brasseurs artisanaux franciliens, en circuit court. Un grand pas en avant pour permettre aux amateurs de bière de redécouvrir ce produit.
Une houblonnière dans les règles de l’art
Donner un cadre aux fleurs de houblons pour les laisser s’épanouir
À l’arrivée sur la plantation de houblon de Johann, les immenses tiges implantées verticalement et rythmées par des poteaux en bois peuvent surprendre. Mais le houblon, qui est une plante liane, s’émancipe à la verticale : elle s’épanouit en donnant une meilleure production de fleurs.
La plante commence à produire des petits jets comestibles sous terre fin février. Puis elle sort de terre fin mars. Et comme elle atteindra jusqu’à 10 m en 6 mois (soit jusqu’à 26 cm par jour !), il faut adopter la bonne manière pour faire pousser du houblon, avec un cadre qui crée les meilleures conditions possibles.
Une installation selon la logique de la permaculture
Il a repris les principes de la permaculture pour entamer la construction de sa houblonnière. Celle-ci est justement implantée en lisière de forêt, pour permettre aux arbres, 2 fois plus hauts que les plantes, de les protéger du vent. Toute l’exploitation agricole de la Ferme des Clos est organisée par zones de 1 à 4, la zone 1 étant dédiée aux cultures qui nécessitent un travail quotidien (ici le maraîchage). La houblonnière, qui n’est exploitée que de mars à août, est donc implantée en zone 4.
Une plante aux particularités étonnantes
En tant que vivace, la souche des plantes de houblons est pérenne, mais la partie aérienne se refait tous les ans. L’une de ses caractéristiques est que c’est une plante dioïque : il existe des pieds mâles et des pieds femelles.
Johann n’exploite que des pieds femelles et doit donc éviter à tout prix qu’ils ne soient fécondés. Pour cela, il doit s’assurer de couper tous les houblons mâles dans un rayon de 200 m, en allant explorer les forêts des alentours.
Autre particularité intéressante pour le brassage : la fleur de houblon est utilisée autant pour l’aromatisation de la bière que pour la conservation. On distingue donc aujourd’hui 2 types de houblons : les amérisants pour la conservation, et les aromatiques pour l’aromatisation des bières.
Un modèle d’écopreneuriat bénéfique à tous
Vivre de la culture du houblon
Le projet de Johann a pu se concrétiser parce qu’il était économiquement viable. La Chambre d’Agriculture et la DDT (Direction Départementale des Territoires) ont validé sa proposition, qui s’intégrait logiquement à l’exploitation existante, mais également à la transition des territoires. Il a pu investir environ 140.000 €, et prévoit de se dégager un SMIC en 4 ans. L’exploitation devrait être rentable après 5 ans. La rentabilité est un point essentiel dans la réussite du projet, c’est pourquoi le programme de formation Ecopreneur y consacre un module complet.
Cultiver du houblon : une idée prolifique
Le houblon est une plante vivace et facile à cultiver quand les conditions sont réunies, et que la culture est bien organisée. Pour l’instant, et après quelques mois de travail, Johann se pose encore plein de questions : comment les plantes vont-elles s’ancrer dans le sol, comment vont-elles pousser, quelle production va-t-il obtenir ?
Ses premières observations lui permettent d’affirmer qu’il devrait déjà obtenir une belle récolte de houblon, et ce, dès la première année. La demande pour du houblon bio de qualité est forte, et il pourra déjà vendre des fleurs de houblon séché pour rentabiliser en partie l’installation de sa houblonnière.
Séduire les brasseurs avec passion
Même si la demande est forte, encore faut-il convaincre les brasseurs franciliens de se tourner vers son houblon, plutôt que de l’importer. Sa démarche : faire, montrer, expliquer. Beaucoup de brasseurs sont déjà venus visiter l’exploitation, pendant des évènements, des chantiers participatifs ou en visite privée. Après la démonstration de Johann, les brasseurs sont bien souvent convaincus de l’intérêt, et même de la nécessité, de privilégier un houblon bio, local, et qualitatif.
Le projet au cœur du projet
Si Johann consacre une partie de son temps à la houblonnière aujourd’hui, il continue en parallèle son métier de paysagiste-concepteur. Il a toujours son agence et continue de travailler sur des projets de conception d’espaces paysagers. La houblonnière fait partie du design de sa vie, à la fois professionnelle et citoyenne. Devenir houblonnier est la concrétisation de ses années d’évolution dans le métier de paysagiste, une continuité logique et naturelle. Une belle manière de faire évoluer son métier pour allier compétences et désir d’agir pour la planète.
Johann a sauté le pas et a pu se lancer dans la culture du houblon en partie grâce à la formation Ecopreneur, qui accompagne chaque jour des dizaines d’entrepreneurs atypiques aux projets régénérants pour la planète.