À l’image de l’agriculture intensive, la viticulture conventionnelle est l’une des activités agricoles utilisant le plus de produits phytosanitaires. Le travail agressif du sol et l’anticipation des maladies sur les vignes, entraînent la pollution des sols et des eaux. En conséquence, les sols s’appauvrissent et requièrent davantage d’intrants pour assurer un rendement. Se crée alors un cercle vicieux bien connu des agriculteurs et des vignerons… Pourtant, une femme vigneronne écopreneuse a décidé d’implanter une activité à contre courant : faire du bon vin en respectant l’environnement. Ophélie, viticultrice et négociante éthique en vin, nous partage son parcours pour devenir vigneronne engagée.
Le parcours d’Ophélie pour devenir viticultrice en bio
Une histoire d’amour depuis l’enfance avec la vigne
Née au cœur des vignobles, Ophélie grandit au rythme des vendanges en Bourgogne. Sa passion pour la vigne lui est transmise par son grand-père, avec qui elle partage des moments conviviaux autour du raisin. Avec ce souvenir où faire du vin ne demandait rien de plus que faire fermenter le sucre des fruits, notre femme vigneronne cherche à revenir à l’essentiel.
Du besoin de renouer avec le vignoble
C’est un double déclic qui pousse Ophélie à s’engager pour proposer un nouveau modèle écologique en viticulture biologique.
Tout d’abord, elle nous partage sa vision de la terre : une vigne sans un brin d’herbe n’est pas un bon signe. En effet, cette dernière a certainement reçu beaucoup d’intrants qui anéantissent la vie du sol. La vigneronne attachée au respect de la nature s’en indigne : comment peut-on détruire tout un écosystème pour produire du vin ? Naît alors le besoin de faire différemment et de casser le modèle imposé par les grandes firmes dans le domaine.
Son deuxième déclic provient de sa prise de conscience sur le risque de santé publique des produits phytosanitaires. En perdant son oncle très tôt, un lien de cause à effet s’établit rapidement entre l’utilisation abondante d’agents biotoxiques et la maladie. De fait, en étant agriculteur céréalier conventionnel, l’utilisation quotidienne de ces agents est légion.
Aujourd’hui, l’association Phyto-Victimes lutte pour rendre justice aux professionnels victimes des pesticides et contre la sous évaluation des conséquences sanitaires des pesticides.
Dépasser les peurs de l’entourage et devenir femme vigneronne
Ophélie fait partie de la génération dont les parents ont tout fait pour passer d’une classe agricole à une classe intellectuelle. Ainsi, quand après avoir quitté la Bourgogne elle ressent le besoin de revenir aux vignes et d’en faire son métier, la nouvelle reçoit beaucoup d’échos. Revenir à la culture de la terre questionne son entourage : pourquoi s’embarquer dans un parcours aussi difficile et ingrat ? Être femme vigneronne n’est-il pas trop difficile et pas assez rentable ? Heureusement pour Ophélie, son besoin de se reconnecter à la terre et d’être alignée avec elle-même est plus fort.
La pression de l’entourage et les peurs qu’il projette sur nous sont lourdes à porter quand on débute dans l’écopreneuriat. Cela peut même devenir un frein à suivre son cœur pour construire la vie dont on rêve. Dans cette première phase de changement de vie, il est essentiel de vous entourer de personnes positives et qui croient en vous !
Sa reconversion en tant que femme vigneronne
Une double activité
Sur son domaine, notre écopreneuse travaille la vigne en bio pour la production de raisin apporté en cave coopérative. Elle a l’ambition d’agrandir son vignoble pour pouvoir produire son propre vin et accueillir les gens pour partager sa passion.
En parallèle de la viticulture, Ophélie est aussi négociante en vin. Il s’agit de sélectionner et/ou conditionner des vins et de les revendre. Elle met toute son attention à faire du commerce éthique au sens agricole et humain. C’est avec sa marque Les Mavericks, que notre femme vigneronne compte sortir des sentiers battus. Son objectif est de proposer des vins et cuvées innovantes, qui ne se font pas ou très peu.
Par exemple, on peut y retrouver du vin désalcoolisé pour apprécier le goût du bon vin sans le désagrément de l’alcool. De même, Les Mavericks cherche à développer une gamme de vin issue de cépages résistants aux maladies et conditions climatiques. De fait, c’est la vulnérabilité des vignes à des maladies comme le mildiou ou l’oïdium qui justifie l’utilisation massive de pesticides. En favorisant la culture de cépages résistants, on limite cette consommation de produits toxiques.
Se faire une place dans un milieu viticole masculin
Ophélie est vigneronne, mais aussi maman de deux enfants, femme et Bourguigonne. En installant son vignoble dans le sud de France, elle doit se faire une place dans un milieu viticole très masculin.
Pour asseoir sa légitimité, elle passe un master en commerce international des vins et des spiritueux. Il a fallu s’imposer non seulement en tant que femme vigneronne, mais aussi en tant que femme engagée qui choisit de faire du bio et du naturel. Le rendement est alors au cœur des préoccupations des autres vignerons.
Pourtant, ses vignes vont bien et plus encore : elles sont vivantes. Si la production est plus petite en taille, elle est bien meilleure en qualité. La question du rendement est fondamentale en agriculture. La permaculture l’a prouvé depuis longtemps, c’est en favorisant la vie et les interconnexions entre le vivant qu’on favorise la production. En viticulture conventionnelle, le rendement obtenu via l’utilisation massive de pesticides est à contrebalancer avec le fait qu’il faille parfois avoir recours à des distillations de crise. Était-il alors nécessaire de produire autant ?
Ses atouts dans son activité
Femme vigneronne mais surtout passionnée
Ophélie est passionnée de vin sous toutes ses formes. Du travail de la terre à la vinification en passant par la récolte du raisin, tout la conforte dans ce métier de cœur. Se retrouver seule dans les vignes s’apparente alors à un moment d’apaisement et de reconnection à la nature, au sol et à soi.
Se faire accompagner pour croire en soi
Pour réussir à tenir le cap sur son chemin d’écopreneur comportant déjà plusieurs obstacles, Ophélie a choisi de se faire accompagner. L’accompagnement était nécessaire pour elle afin de développer une activité dans le respect de l’homme et de la nature, tout en endossant le rôle d’entrepreneur.
Le cheminement d’un écopreneur est parfois tortueux et requiert des remises en question et des allers et retours sur les notions pédagogiques. Choisir son propre rythme a permis à notre viticultrice de s’approprier les étapes de son changement de vie tout en restant sereine. Pour Ophélie, la formation lui a donné le temps de trouver son alignement pour être aujourd’hui assertive sur ce qu’elle veut et ce qu’elle aime.
La force d’une communauté
Comment traverser les challenges présentés dans notre activité lorsque l’on est seule dans ses vignes ? Comment faire quand l’on ne se retrouve pas dans la communauté masculine et pétrie de croyances limitantes de notre domaine ? Quand notre famille reste dubitative ? La force de la communauté des écopreneurs a répondu à toutes ces problématiques pour Ophélie. Elle nous partage l’événement humain le plus marquant qu’est la rencontre annuelle des écopreneurs. La rencontre de la communauté reconnecte pour partager et recevoir de l’expérience. Elle a pu constituer un réseau mais aussi une bulle pour les moments où le moral diminue.
L’avantage de se faire accompagner à travers une communauté est de ne jamais être seul. Dans un monde où il faut aller toujours plus vite et plus fort, ce point d’ancrage rassure et conforte dans l’idée qu’on peut vivre de ce que l’on fait sans prise de tête.
Regarder l’interview d’Ophélie au format vidéo :
One Response
Bravo c’est magnifique !