Exode Urbain | Tendance de Fond ou Phénomène de Mode ?

Exode Urbain, Exode Urbain | Tendance de Fond ou Phénomène de Mode ?

La volonté de déménager loin des centres urbains prend tout son sens en ce moment. La pandémie est passée par là, et nous a fait réfléchir sur nos modes de vie. L’immobilier dans les plus grandes villes de France devient de plus en plus inabordable, et le télétravail est désormais entré dans les mœurs. Toutes les conditions sont réunies pour que l’on assiste à un exode urbain. En effet, pourquoi ne pas déménager dans une zone rurale, plus abordable et offrant une meilleure qualité de vie ? C’est l’un des arguments qui revient le plus lorsque l’on interroge les citadins : avoir plus d’espace et un accès à la nature. Mais qu’en est-il vraiment ? A-t-on assisté (et va-t-on assister) à un véritable exode urbain ? Dans quelle mesure cette tendance est-elle durable ?

La pandémie à l’origine d’un exode urbain ?

Exode urbain : définition

D’abord, que signifie le mot « urbain » ? Il désigne les villes et zones à densité intermédiaire, qui abritent une population d’au moins 5 000 habitants sur des cellules contiguës d’une densité d’au moins 300 habitants par km². On lui oppose le terme « rural », qui définit les zones peu denses. Le mot « exode » signifie le départ d’un grand nombre de personnes. Ainsi, « l’exode urbain » fait référence à une grande partie de la population des villes, qui décide de s’installer dans des zones rurales.

Les conséquences attendues de la pandémie sur la structuration des territoires

Un sondage IFOP paru en 2019 nous indiquait que 57 % des urbains souhaitaient quitter la ville pour s’installer à la campagne. Une tendance qui s’est confirmée, mais pas pour autant envolée, pendant le confinement de mars 2020. Pour beaucoup de spécialistes, il est évident que la pandémie de coronavirus aura non seulement un impact immédiat sur la disponibilité du travail, de la culture, de l’éducation et de la socialisation, mais qu’elle aura aussi un impact durable. La ville a perdu de sa superbe avec une offre culturelle à l’arrêt et un confinement dans des petites surfaces, sans extérieur.

On s’est alors mis à envisager des vagues de citadins choisissant de s’installer dans les campagnes françaises, repeuplant ainsi les villages autrefois délaissés. Un changement majeur et profond pour notre société.

Un phénomène pas si récent que ça

En réalité, l’exode urbain est déjà en marche depuis une cinquantaine d’années. La révolution industrielle a conduit à une désertification des campagnes. L’explosion démographique des zones urbaines n’a pas été sans conséquences sur la qualité de vie de ses habitants : explosion des prix du foncier, augmentation du coût de la vie, pollution, transports bondés, augmentation de la violence…

Ainsi, dès les années 70, on a assisté à une repopulation en douceur des territoires ruraux. Les villages se sont peu à peu requinqués, et les activités agricoles ou artisanales délaissées ont été relancées. En témoigne le solde migratoire vers les campagnes françaises, positif depuis une cinquantaine d’années. On a même observé une petite accélération depuis le début des années 2000. D’abord des villes vers les agglomérations aux alentours, puis avec l’intensification des infrastructures (notamment transport), vers des zones dites rurales.

Les raisons qui poussent à déménager vers des zones rurales

Une question de santé

Si la crise liée à l’épidémie du COVID-19 a mis en lumière un point pourtant évident, c’est que les zones surpeuplées sont propices aux infections. Pandémie mise à part, on sait que l’exposition prolongée à la pollution peut avoir des conséquences non négligeables. Pour de nombreuses personnes, l’idée de vivre dans un environnement moins peuplé est donc devenue une question de santé.

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Nombreuses sont les personnes qui décident chaque année de changer de vie, et cela s’accompagne souvent d’un projet orienté vers la nature, l’artisanat, le social, la recherche de sens d’un point de vue plus général. On les appelle les néo-ruraux. Beaucoup d’entre eux, les néo-paysans, choisissent même de renouer avec un métier agricole (cultures de fruits et légumes, de céréales, élevages d’animaux…). Un espace rural est alors plus approprié pour mener à bien cette nouvelle mission.

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Des prix immobiliers trop élevés

Avec l’agrandissement de la famille, ou tout simplement en quittant la vie étudiante, les habitants de la ville aspirent à plus d’espace. Pour peu que l’on ait les moyens de déménager dans une surface plus grande, c’est parfois la bataille pour dégoter LE logement coup de cœur. Mais bien souvent, c’est tout simplement trop cher. Avec un prix moyen à plus de 11 000 € dans Paris et qui flirtent avec les 10 000 € dans les banlieues prisées, et des villes comme Bordeaux et Lyon où l’on dépasse allègrement les 5000 €, se loger est devenu un vrai défi.

Un meilleur cadre de vie

Certains candidats à la vie rurale prônent un mode de vie alternatif, plus lent. Peut-être subissez-vous le trafic routier intense tous les jours. Ou les transports bondés. Peut-être en avez-vous assez de la pollution sonore et visuelle. C’est pourquoi vous avez décidé de vivre à la campagne. C’est l’occasion de se (re)mettre au bricolage, de cultiver ses propres légumes, ou encore d’avoir un poulailler pour récolter de bons œufs frais. On réduit ainsi les dépenses et on passe plus de temps en famille.

Souvent, cette envie de se « mettre au vert » va de pair avec l’arrivée d’enfants dans le foyer. Le cœur de ville n’étant pas adapté aux jeunes parents avec poussette ou aux jeunes enfants qui veulent se défouler, l’idée de vivre dans un milieu rural apparaît plus simple.

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La réalité d’un exode urbain en 2021

Si l’on a effectivement observé un engouement pour les déménagements au vert à la suite du premier confinement, pour l’instant, on n’observe pas de vague massive dans les petites agglomérations à l’extérieur des grandes villes, ni des villages plus éloignés. Il semblerait à l’inverse que les citadins veuillent plutôt amener du vert en ville. C’est le cas de 67 % d’entre eux, selon un sondage OpinionWay datant de juin 2020, qui souhaitent passer plus de temps à s’occuper de leur jardin ou, à défaut, de leurs plantes.

L’exode du confinement, un privilège de foyers aisés

Depuis 2020, année du covid, on prédisait une ruée des citadins sur les zones rurales. En effet, les habitants des grandes villes se sont massivement déplacés, quand c’était possible, dans leur résidence secondaire ou chez des proches, au vert. C’est surtout le cas de citadins, souvent parisiens, dont on a observé la migration massive vers la Normandie ou la Bretagne.

Puis, à la sortie du premier confinement (en mai 2020), on a observé un premier phénomène immobilier : des jeunes couples ou familles au profil très urbain, souvent aux revenus confortables, ont choisi de laisser derrière eux la pollution et le bruit au profit d’agglomérations rurales, plus vertes, plus vastes. Ou d’investir dans une résidence secondaire.

Un exode urbain tout relatif pour le moment

À l’aube de l’été 2021, la réalité est un peu différente. On a certes pu observer des mouvements de population depuis les grandes villes, mais qui se sont surtout arrêtés en périphérie des agglomérations. En d’autres termes, l’exode rural tant attendu, tant prédit, n’a pas vraiment eu lieu. Pendant les confinements successifs, on a plutôt assisté à un exode de province, vers des contrées de vacances. De là à jurer que les citadins quitteraient leur logement en cœur de ville pour des régions à dominante rurale, c’est un grand écart. Ce que l’on observerait, c’est surtout une population urbaine qui quitte sa ville pour s’installer soit en banlieue proche, soit dans une autre ville (même si elle est de taille inférieure).

Des infrastructures trop peu développées

De fait, même si un mode de vie rural séduit les familles en quête de vert et les retraités qui cherchent la tranquillité, les infrastructures ne sont parfois pas à la hauteur des villes et couronnes périurbaines. En termes de transport par exemple, où une voiture devient vite nécessaire. Ou bien l’accès aux soins, dans des zones souvent qualifiées de « déserts médicaux ». Sans parler des zones blanches, où les réseaux téléphoniques et le haut-débit ne sont pas encore accessibles. Enfin, les équipements de culture et de loisirs sont souvent délaissés, faute de moyens.

Un coût de la vie à relativiser

Le prix des logements est évidemment bien plus abordable. Mais il faut considérer le projet dans sa globalité :

  • frais de rénovation éventuels du logement ;
  • frais de transport, voire achat d’un ou 2 véhicules (et frais inhérents : assurance, essence, entretien…) ;
  • salaires moins élevés qu’en ville.

Cela dépend des situations de chacun, mais il faut garder ces points en tête avant de se lancer.

L’exode urbain est-il souhaitable ?

Il fut une époque où l’étalement de la population française était beaucoup plus homogène qu’elle ne l’est aujourd’hui : elle était « équidense ». À la fin du XIXe siècle, le travail de la terre était en effet encore omniprésent, et la moitié de la population française vivaient dans des zones dites rurales. Puis l’attractivité des villes et l’augmentation de l’espérance de vie ont fait basculer le ratio, pour arriver à la situation que l’on connaît aujourd’hui : 75 % des français se concentrent sur 5 % du territoire. Sauf qu’entre-temps, la population a quasiment doublé. Que se passerait-il si l’on devait de nouveau répartir les habitants sur le territoire français ?

Une tendance dans les décennies à venir ?

Même si le grand exode urbain annoncé n’a pas réellement eu lieu pour le moment, on doit s’attendre à ce que les populations rurales se développent malgré tout dans les années à venir. D’abord, la mobilité professionnelle est facilitée par l’accès au télétravail. Il n’est pas rare de voir les actifs s’éloigner de 100 km de leur bureau. Ensuite, les changements climatiques rendent les grandes villes de plus en plus difficilement supportables : augmentation de la pollution, sensation d’étouffement lors des fortes chaleurs… Enfin, l’augmentation du coût de la vie dans certaines métropoles devient difficile à assumer, et les prix continuent malgré tout de grimper. Pour autant, la transition devrait se faire en douceur, et il est peu probable que les villes soient totalement désertées. La répartition des territoires de vie devrait rester équilibrée.

Des conséquences écologiques désastreuses

Paris est aujourd’hui moins dense qu’il y a 150 ans. Difficile à croire ? Pourtant, seulement 3,2 % de la population totale française y vit aujourd’hui, contre 5,2 % en 1876. C’est également le cas de grandes villes comme Bordeaux, Lyon ou Lille. En réalité, ce sont les communes périurbaines qui ont absorbé une grande partie des habitants des villes et se sont densifiées. Mais qu’y gagnerait-on à une meilleure répartition sur le territoire ? Pas évident d’estimer les gains. En revanche, on peut déjà imaginer les conséquences d’une densification massive des zones rurales isolées.

Aujourd’hui, les petites villes rurales n’ont pas les moyens d’assumer le coût de l’aménagement du territoire. Pour devenir vraiment attractifs, les territoires ruraux devraient se mettre à niveau :

  • développement des accès routiers ;
  • construction de dizaines de milliers de logements ;
  • infrastructures revues en conséquence (commerces, entreprises, services).

Les conséquences d’un point de vue écologique seraient également une catastrophe, avec la dénaturation des espaces verts et la densification des grands milieux ruraux. Les espaces ruraux se transformeraient finalement en agglomérations, perdant leur attractivité et témoignant d’un retour à terme vers les grandes villes.

Une opposition des relations villes campagnes obsolète

Au final, pourquoi vouloir à tout prix opposer ville et campagne ? Les milieux urbains et ruraux ont toujours coexisté, chacun avec leurs avantages et leurs inconvénients, leurs particularités, leurs interactions. La repopulation de certaines campagnes, depuis une vingtaine d’années, n’a pas perturbé l’équilibre des villes aux alentours. L’environnement est une question majeure pour les décennies à venir, mais il est tout à fait envisageable d’amener la nature dans la ville sans pour autant la dépeupler. Limiter les constructions, déminéraliser certains espaces, amener de la verdure (bénéfique à la fois pour améliorer la qualité de l’air et réduire la sensation de chaleur).

Il n’y a a priori aucune raison d’espérer ni de craindre un exode urbain : il y aura toujours de fervents défenseurs des centres-villes et d’autres incapables de vivre autrement qu’entourés de vert. Et pour les personnes qui recherchent à la fois une meilleure qualité de vie et un accès aux services et aux infrastructures, les couronnes des grandes agglomérations ou les villes de taille moyenne peuvent constituer un bon compromis. C’est le maillage de ces différents espaces qui créent la richesse d’un pays. L’essentiel, c’est de retenir qu’avec l’amélioration des connexions inter-régions, la normalisation du télétravail, l’apparition de nouveaux modes de vie comme le nomadisme digital, les individus ont plus de choix, plus de possibilités.

2 Responses

  1. Susanne Levesque dit :

    Même phénomène et réalité au Québec.
    Merci de nous redonner le souci de notre environnement.

  2. Valérie dit :

    Merci pour cet article qui fait réfléchir. Certes, c’est le rêve de beaucoup de « retourner » à la campagne, de se reconnecter avec la nature… avant de s’apercevoir que le coq chante un peu trop fort le dimanche matin 😉
    Idéaliser le cadre de vie souhaité, qu’il s’agisse de la ville ou de la campagne est toujours un peu risqué.
    Pour ma part, je pense qu’une des solutions peut être d’améliorer la qualité de vie en ville. « Amener le vert en ville » a l’avantage de ne pas consommer trop de ressources. Reste à savoir comment rendre la nature accessible pour tous en milieu urbain…
    Amicalement
    Valérie

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